château de la Louvetrie


Le Château de la Louveterie occupe un terrain qui fut offert par Charles le Téméraire à la communauté de Limbourg en 1469 pour dédommager les habitants des déprédations commises chez eux, quelques années auparavant par les gens du pays de Liège.







Ce fut entre 1787 et 1795 que François-Xavier Simonis, grand industriel verviétois et fervent chasseur, acquit le terrain sur lequel il édifia le château primitif : une grosse bâtisse carrée à deux étages. Cette construction fut appelée « Pavillon » ou « Maison de Chasse » et « Louveterie ». Sous l’Empire Napoléonien, François-Xavier Simonis reçut le titre de lieutenant de louveterie, charge très honorifique non rémunérée qui nécessitait d’importants moyens financiers et un équipage de chasse. 




Il faut noter qu’à cette époque, les loups constituaient un véritable fléau dans le Département de l’Ourthe dont Stembert faisait partie, et sous Napoléon Bonaparte, leur destruction fut méthodiquement entreprise. Il y avait donc bel et bien des loups dans notre région et en quantité puisqu’il fallait les éradiquer. 




Cette vaste propriété comprend un parc spacieux bien entretenu avec un petit étang qui donne naissance à un ruisseau : le Cossart, qui plonge en direction des bois de Mariomont puis des prairies avoisinantes pour longer la rue de Mariomont, passer sous la route de Jalhay et se jeter dans le ru de Mariomont un peu plus loin dans les prairies.




LA CHASSE AUX LOUPS ET LA LOUVETERIE EN PAYS DE LIEGE

En pays de Liège, la chasse aux loups a existé, comme dans la plupart des régions d’Europe, puisque c’est Charlemagne qui, en 813, crée le Corps des « Luparii », officiers dont la fonction était de chasser les loups en protégeant les habitants et leurs élevages. ] La Principauté regroupe une série de petits fiefs que l’on retrouve, au XVIIIe siècle jusque dans les régions de Bouillon, Thuin,  Couvin et Horn au Nord. Ces territoires sont dirigés par des clercs ou des hobereaux, sous la souveraineté de « l’Evêque et Prince ». On peut penser que la chasse et la gestion des forêts s’y organisent,  à l’instar des royaumes voisins de France et d’Allemagne, sous la tutelle aristocratique. Mais l’administration principautaire se préoccupe du problème des loups et participe à sa gestion. Ainsi, le 19 février 1763, une ordonnance du Doyen du Chapitre de la Cathédrale de Liège, sede vacante, décrète une battue dans le Marquisat de Franchimont « pour la destruction des loups et des sangliers ». 
Le 18 août 1789, faisant suite aux événements de Paris et à la propagation  des idées nouvelles, Liège  connaît sa petite révolution dite « l’heureuse révolution ». Par la suite, le 1er octobre 1795, avec le rattachement à la France, l’essentiel de la Principauté de Liège devient le Département de l’Ourthe. « A la bigarrure héritée du Moyen Age, succède la hiérarchie uniforme des circonscriptions administratives,  judiciaires et militaires »  Et l’Empire va achever de concrétiser cette administration. La révolution française a donné le pouvoir au peuple et, en supprimant les privilèges de l’aristocratie, a accordé implicitement le droit de chasse à chaque citoyen. Sans règle bien définie, une chasse débridée aboutit bientôt à un affaiblissement tangible de la population des cervidés et autres gibiers, sauf de celle des loups. Ces derniers commencent à manquer de nourriture et ils s’attaquent, çà et là, et de plus en plus fréquemment, au bétail et à la volaille. Bientôt, le loup devient (ou redevient) l’ennemi public numéro 1 des populations campagnardes. Des sommes d’argent substantielles récompensent les citoyens qui ont réussi à abattre des loups et en font la preuve. Les faits sont transcrits dans un rapport du Maire. Le 22 Frimaire de l’an 14 (soit le 13 décembre 1805), le Maire d’Esneux avertit le Préfet de Liège (Département de l’Ourthe) de la destruction de deux loups dans le bois de Fontin, espérant prochainement l’anéantissement du reste de la meute et sollicitant la prime prévue pour ses deux administrés.  Le montant des primes a varié suivant l’époque et les régions. C’est pourquoi, le ministre de l’intérieur Crétet adresse, en 1807, une circulaire à tous les préfets, qui en rappelant la procédure administrative, fixe le montant des primes à 18 frs pour une louve pleine, 15 frs pour une louve non pleine, 12 frs pour un loup et 3 frs pour un louveteau, dans le but d’uniformiser les tarifs en vigueur dans tous les départements.  Il faut savoir, qu’à cette époque, le salaire d’une journée d’ouvrier valait moins d’un franc et celui d’une femme, encore moins. C’était un encouragement manifeste à la traque des loups par tous les moyens!

Mais il fallait, pour en finir, frapper plus fort.Suite à la profusion des loups, l’Empire français prend la situation au sérieux. Napoléon commence par nommer un Grand Veneur (fonction qui existait déjà sous la Royauté). Ce sera, de 1804 à 1814, Louis Alexandre Berthier, maréchal de France et Prince de Wagram, un familier de l’Empereur. Le Grand Veneur désigne les Capitaines de Louveterie chargés de surveiller des Conservations forestières de plusieurs départements, et qui, à leur tour, sont redécoupées en Territoires forestiers contrôlés chacun par un Lieutenant de Louveterie. Un peu partout, et ce n’est pas un hasa rd, on voit réapparaître, sous leur nom ou sans la particule, les membres de la noblesse de l’Ancien Régime, qui, bénéficiant des titre et fonction de Lieutenant de Louveterie, reprennent la direction des chasses et des battues. Ces charges ne sont par ailleurs plus rémunérées. Mais, comme le rapporte un témoignage de l’époque, « il fallut plusieurs années (…) pour réduire cette peuplade (de loups) à un petit nombre dont les louvetiers conservaient la graine afin d’avoir plaisir à les chasser » !  Néanmoins, la chasse aux loups, encouragée par des primes aux paysans, et l’organisation de battues par les Lieutenants de Louveterie auront un résultat impressionnant  sur la population des loups : « Sur une dizaine d’années, c’est près de 15000 animaux qui sont abattus » sur le territoire impérial.  Dans nos régions, dès 1804, le Capitaine de Louveterie Guillaume Georges François de Borchgrave devient le responsable de la 23e Conservation forestière qui compte quatre départements : Ourthe, Sambre et Meuse, Meuse inférieure et Roër.







Le  château de Limbourg de F.-X. Simonis dispose certes de dépendances suffisantes pour abriter cet équipage, mais il est vraisemblable que Tilff a pu  constituer une sorte d’avant-poste ou de relais de chasse pour les forêts voisines, vu la distance avec Limbourg. Ce détachement aurait été installé à l’orée de la forêt, et pas nécessairement en permanence, dans une fermette traditionnellement nommée, à Tilff, « la Louveterie ». Une autre hypothèse pourrait laisser envisager, vu la proximité de « trous du loup », la présence d’un louvetier, indépendant de la Louveterie de Limbourg, mais collaborant de proximité.




Cette bâtisse  ne figure pas sur la carte Ferraris (1770) des Pays-Bas Autrichiens[13], mais est bien dessinée, dans sa forme actuelle, sur le plan Popp (1855) de Tilff où elle fait partie du domaine du château de Sainval.  Le bâtiment, en forme de L, est marqué à l’angle d’une tour d'un niveau et demi, en moellons blanchis, sous une toiture en pavillon, adoucie de coyaux et couverte de tuiles noires. Il correspond nettement aux caractéristiques architecturales de la fin du XVIII° et du début du XIXe siècle. Par chance, le bâtiment, rare témoignage de cette survivance de louveterie en notre province, est demeuré quasi dans son état d’origine, si ce n’est l’adjonction de deux petites annexes au XXe siècle. Un œil-de-bœuf permettait de surveiller les chevaux de l’écurie depuis la salle du rez-de-chaussée. Cette écurie est toujours actuellement partagée par les box des chevaux, équipés de râteliers à foin. Une échelle permettait d’accéder à l’étage sous le toit, au logement du palefrenier.Vu son assise sur le rocher, la maison ne disposait pas de cave, mais on avait creusé, dans la roche, un réduit accessible par l’écurie, et qui servait de cave à provisions. Le plan Popp, déjà cité, mentionne également des lieux-dits évoquant la traque des loups par les habitants au moyen de pièges à loups : deux « trous du loup » dont un au pied des rues du Ruisseau et Louvetain et un, au Pireu, approximativement près du barbecue, et « un chemin du trou du loup », aboutissant  à ce dernier, aujourd’hui rue Bégasse. Le nom de la colline de Louftain doit sans-doute son étymologie dans les noms de « loup », « bois habité par les loups » ou fait référence à la louveterie. Certains ont même suggéré que le nom du ruisseau « Baory » évoquât le hurlement des loups… Mais cette très amusante assertion est démentie par G. Thiriard, de même que l’origine voisine de Baoufontaine et que penser de l’apparition des loups dans la légende des Djâles Di So Corti ? Sinon, que l’inconscient collectif resurgit, par instants, dans l’imagerie populaire. « Le hurlement du loup est sans doute le son le plus apte à toucher notre inconscient. »












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